Une voix nacrée voletant hésitante sur un morceau de silence. Puis une flopée d'instruments prennent sérieusement son arrière : les cuivres à prime abord, le piano comme baguette magique. Mais le véritable envol attendra les secondes finales pour atteindre le firmament.
1965 : Nina Simone interprète "Feeling Good". Une révélation.
_______________________________________
L'originale
_______________________________________
Mais derrière ce chef d’œuvre se cache déjà une première reprise. Car si Nina Simone immortalisera cette version sur l'album "I Put A Spell On You", c'est un an plus tôt que le titre viendra à la vie.
Nous sommes le 3 août 1964. Dans l'enceinte du Théâtre Royal de Nottingham, le compositeur Anthony Newley et le parolier Leslie Bricusse lancent la comédie musicale "The Roar Of The Greasepaint - The Smell Of The Crowd" (littéralement "Le grondement de Greasepaint – L’odeur de la foule"). Ce musical a pour toile de fond l'Angleterre des années 60 et traite de la différence entre les classes sociales. Le Guyanais Cy Grant endosse le rôle du "Negro", luttant contre le héros "Cocky" et finit par gagner l'émancipation.
C'est lors de la scène du triomphe que le chanteur entonne, dès la première représentation, "Feeling Good", annonciateur d'une nouvelle vie, de liberté, de renaissance, de positivité.
La comédie donnera lieu à un album paru le 18 février 1965 dans lequel on retrouve pour la première fois une version studio du titre : dans un style jazzy, porté par le doigté du pianiste Bill Le Sage.
Le rôle de Grant sera repris l'année suivante par Gilbert Price.
_______________________________________
La consécration
_______________________________________
Enregistrée à New York en janvier 1965, cette reprise, produite par Hal Mooney, est pourtant très paradoxale. En effet, elle diffère par la voix grave de la chanteuse américaine, donnant un aspect très sombre au titre, pourtant originalement joyeux et optimiste. Les cuivres sont aussi très présents. Sans doute ce changement de ton signifie-t-il que la liberté n'est que fragile...Si cette version est devenue avec le temps culte, il est étonnant de constater que la version single n'est sortie qu'en... 1994 ! En effet, en 1965, l'album "I Put A Spell On You" est chargé de tubes à l'époque : "I Put A Spell On You", reprise de Jay Hawkins, ou "Ne Me Quitte Pas", autre reprise bien connue dans notre hexagone. Force est de constater que le phénomène de reprises aujourd'hui décrié (Tal, M Pokora, ...) était déjà fait à l'époque ! Alors, pourquoi avoir attendu presque 30 ans pour révéler ce titre me direz-vous ? Remerciez Volkswagen : elle a utilisé ce titre pour promouvoir sa marque automobile à la TV en Angleterre. Devenue si populaire, cette version est aussitôt sortie en single, atteignant le top 40 l'été 1994 !
_______________________________________
Le top 5 des reprises
_______________________________________
J'ai donc sélectionné pour vous 5 reprises qui valent - vraiment - le coup d'être entendues.
Au rayon jazzy, Michael Bublé est sûrement l'un des meilleurs de la décennie 2000 (avant de faire des albums de reprises de titres de Noël). Donnant un coup dépoussiérant sans dénaturer sa valeur, le canadien donne en 2005 de la puissance et du charisme un peu à la James Bond sans trop en faire. C'est magnifique, c'est majestueux. WOW ! Elle est extraite de son très bon album "It's Time".
La reprise la plus connue est bien sûr celle de Muse. C'est aussi l'une des meilleures. Sortie en 2001 dans l'album "Origin Of Symmetry", elle a été souvent utilisée dans des publicités, avant d'être retirée d'une pour Nestlé, faute de permissions du groupe. Elle sera remplacée par celle de Simone.
Plus récemment, c'est le DJ Avicii qui y mit sa patte. Oui oui, Avicii ! Connu pour ses compos électro/pop, l'artiste a étonné autant qu'il a séduit ! Avec la participation de la chanteuse Audra Mae, il offre à ce classique un coup de jeune, un coup de modernité, sans mauvais coup de griffe. Coup de chapeau ! En ressort une version mélo-dramatique, nuancée de méandres langoureux et d'éclaircies salutaires. Un coup de génie !
Dans un récent album hommage à la grande Nina intitulé "Nina Revisited", c'est Lauryn Hill qui a surpris par sa reprise tout en sobriété mais en justesse.
Enfin, concluons ce top par une reprise plus pêchue. Spécialisés des beatboxes (comprenez "boîtes à rythmes vocales"), les Berywam ré-interprètent ce classique à quatre bouches. C'est émouvant, c'est surprenant, c'est à écouter !
Quelle est votre reprise préférée de ce standard devenu intemporel ?
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire